Sauveur & fils. Saison 3 (Marie-Aude Murail)
Résumé de l’éditeur
Au numéro 12 de la rue des Murlins, à Orléans, vit Sauveur Saint-Yves, un psychologue antillais de 40 ans, 1,90 mètre pour 80 kg. Dans son cabinet de thérapeute, Sauveur reçoit des cas étranges comme ce Monsieur Kermartin qui pense que ses voisins du dessus ont installé une caméra de vidéosurveillance dans le plafond de sa chambre à coucher ou comme Gervaise Germain qui s’interdit de prononcer le son « mal » par crainte qu’il ne lui arrive un MALheur. Mais Sauveur reçoit surtout la souffrance ordinaire des enfants et des adolescents : Maïlys, 4 ans, qui se tape la tête contre les murs pour attirer l’attention de ses parents; Ella, 13 ans, cyberharcelée par ses camarades de classe; Gabin, 17 ans, qui ne va plus au lycée depuis qu’il passe ses nuits dans World of Warcraft; Margaux, 15 ans, qui en est à sa deuxième tentative de suicide; ou sa soeur, Blandine, 12 ans, que son père aimerait mettre sous Ritaline pour la « calmer »… Sauveur peut-il les sauver ? Il n’a que le pouvoir de la parole. Il ne croit pas au Père Noël, mais il croit en l’être humain.
Mon avis
C’est avec un grand enthousiasme que je me suis plongée dans ce tome 3, où l’on découvre des nouvelles têtes, mais aussi des personnages que l’on connaît depuis le début. On retrouve ainsi avec beaucoup de plaisir la petite Ella/ Elliot qui va faire l’objet de harcèlement scolaire, c’est que sa différence dérange depuis qu’une photo d’elle travestie en garçon a été diffusée sur les réseaux sociaux. On retrouve aussi un Gabin touché indirectement par les attentats de Paris et notre joyeuse bande de petits hamsters qui attirent (ou pas) les patients. Un personnage évoqué dans le tome précédent, Samuel, va être étoffé : on le voit tenter de créer un lien avec son père dont il vient de découvrir l’identité, Wiener, un pianiste renommé, mais paumé et dépressif. Tout ce petit monde évolue dans une réalité bien ancrée dans la génération web 2.0.
« – Je dois absolument checker ce mail, j’en ai pour une…
– J’ai lu récemment, l’interrompit Sauveur d’une voix forte, que, en moyenne, les détenteurs d’une boîte mail vérifient son contenu 37 fois par heure, soit toutes les 90 secondes.
– Non ? s’esclaffa madame Foucard. Remarquez, c’est bien possible quand je suis au bureau. ’37 fois par heure’, vous dites ?
Elle se mit à taper un SMS.
– Qu’est-ce que vous faites ?
– Je forwarde l’info au papa de Maïlys, ça va l’éclater. Lionel est encore plus addict que moi… ‘Toutes les 90…’ Vous pouvez continuer de parler, j’ai l’habitude de gérer plusieurs choses à la fois.
– Je ne suis pas une chose.
Elle décolla son regard de l’écran.
– Hein ? Non, bien sûr.
Bing. C’était la réponse du papa de Maïlys. Madame Foucard eut un sourire de triomphe.
– Il va tweeter l’info !
– Madame Foucard, vous êtes venue me parler de votre fille ou de votre addiction aux nouvelles technologies ? »
Dans cette tranche de vie qui nous est présentée, on voit Sauveur qui laisse toujours sa vie professionnelle empiéter sur sa vie privée. Il tente tant bien que mal de créer un nid douillet avec Louise, mais rien n’est simple avec ses petits protégés qui prennent beaucoup de place chez lui (Gabin et Jovo squattent toujours sa maison, Wiener fait de temps en temps des incursions désespérées chez lui). Et puis, Sauveur a aussi ses blessures et ses résistances. Refaire sa vie avec Louise n’est pas simple, on avance avec lui dans ses tâtonnements.
Marie-Aude Murail poursuit ce tome 3 dans la même lignée que les 2 tomes précédents en nous plongeant dans les problèmes quotidiens des jeunes et des adultes, avec ce ton qu’on apprécie toujours autant : juste, sensible et avec une pointe d’humour. Cet opus est un régal, comme les précédents!
Le +
- Les difficultés que vivent les familles recomposées au quotidien sont montrées sans fard et avec beaucoup de justesse.
- La question du lien qui se tisse et se détisse, avec son lot d’émotions liées, est présente dans tout le récit de façon toujours aussi juste et émouvante.
- À la fin du livre, l’auteure nous donne une bibliographie de livres et films qui l’ont inspirée pour cette série.
Le –
- La couverture me paraît trop enfantine par rapport au contenu, mais les confettis ont le mérite d’attirer l’œil.
- Sauveur n’existe toujours pas…
Le coin des profs
- Le roman est un bon point de départ pour aborder la différence, la question des genres et le harcèlement scolaire.
- Ce récit est destiné à des bons lecteurs, le style est ciselé et la structure narrative sans temps mort.
Infos pratiques
- À partir de 13 ans
- L’école des loisirs (« Medium)
- 318p.
- 17€