Deux secondes en moins (Marie Colot et Nancy Guilbert)
Résumé de l’éditeur
Deux lycéens racontent l’impensable, le drame, la révolte, dans un roman puissant et rempli d’espoir.
Depuis qu’un accident de voiture l’a complètement défiguré, Igor se mure dans le silence. Sa rancune envers son père, responsable de l’accident, est immense, comme sa solitude.
Rhéa sombre dans le chagrin après le suicide de son petit ami. Encore sous le choc, elle ne sait plus à qui ni à quoi se raccrocher dans la ville où elle vient d’emménager.
Pour l’un et l’autre, tout s’est joué à deux secondes. Deux secondes qui auraient pu tout changer…
Et pourtant, Igor et Rhéa reprennent jour après jour goût à la vie en se raccrochant à la musique. Une fantaisie de Schubert et un professeur de piano pas comme les autres vont les réunir et les mener sur un chemin inespéré.
Un roman bouleversant, où un perroquet, le « thé des Sages », l’amitié et les mots apportent une douceur salutaire.
Mon avis
Le récit présente en alternance le point de vue d’Igor (écrit par Marie Colot) et Rhéa (rédigé par Nancy Guilbert) à la première personne. Comme vous l’aurez sans doute compris en lisant le résumé de l’éditeur, la vie de ces deux jeunes adultes est difficile : chacun est brisé par son drame, s’isole, s’enferme dans sa colère pour Igor, dans l’incompréhension pour Rhéa. Ils n’ont plus goût à la vie, même si leurs parents les poussent à aller de l’avant. Quelque chose est cassé à l’intérieur d’eux, le temps s’est arrêté, la vie n’a plus de sens.
« Les adultes sont dévastés. Ils ne sont pas à la hauteur. Ils font semblant mais ne maîtrisent rien du tout. Ils prononcent des phrases toutes prêtes et inutiles, les yeux gonflés de larmes, pour éviter des silences pesants, mais au fond, ils sont aussi perdus et démunis que nous. Des gamins effrayés devenus grands, mais qui n’ont toujours rien compris. Alors, pour se rassurer, ils s’inventent des codes et des cases, beaucoup de cases dans lesquelles ils rangent les gens soigneusement. Et quand tu n’entres dans aucune, on t’éjecte, un petit sourire, une tape sur l’épaule, mais on t’éjecte quand même… »
Présenté comme ça, l’histoire peut paraître lourde, mais ça n’est pas le cas. Très rapidement, un personnage lumineux, Fred, entre dans la vie des 2 héros, et leur insuffle peu à peu la douceur du plaisir de vivre en les faisant rejouer du piano lors de cours particuliers. Ayant traversé des épreuves difficiles, Fred a la finesse de ne rien imposer à Igor et Rhéa. Il comprend leurs silences, leur colère et leurs larmes. Il arrive à leur insuffler l’énergie pour avancer dans la vie tout en leur laissant toujours la distance nécessaire pour ne pas les brusquer. Il n’impose rien, se contente de suggérer et de guider Rhéa et Igor tout en leur rappelant régulièrement à quel point il croit en eux, en leur force et en leur capacité à avancer malgré l’adversité.
Après quelques semaines de répétition, il va provoquer une rencontre entre les 2 héros, persuadé qu’ils peuvent s’aider mutuellement à aller mieux. L’entreprise n’est pas simple : Igor et Rhéa ont des personnalités très différentes, des fêlures très profondes et encore assez vives. Mais peu à peu, il se passe quelque chose. La magie de la musique s’insuffle peu à peu, puis de plus en plus, dans la vie des deux jeunes. Une complicité un peu maladroite et fragile se dessine, telle la frêle tige d’une fleur…
« – Je ne sais pas ce qu’elle a. Fred m’a seulement dit qu’elle avait vécu un drame. Elle est peut-être aveugle, sourde et muette ou atteinte d’une maladie incurable. Tout est possible. Un beau duo d’éclopés, quoi ! À nous deux, on fera pitié, c’est sûr. Il ne manquera plus que le chapeau où jeter des pièces !
Mme Jacquelin [la psy d’Igor] se racle la gorge, gênée par mon franc-parler.
– Un drame n’est pas toujours lié au physique.
– Hein ?
– Igor, avez-vous envisagé qu’elle n’ait aucun problème apparent ?
– Qu’elle soit seulement tarée, c’est ça ?
– Qu’elle ait une douleur invisible, contrairement à la vôtre. »
Dans ce récit, la musique est un élément important qui devient le miroir de la vie intérieure d’Igor et Rhéa. C’est à travers leur façon de jouer qu’ils découvrent l’émotion qui habite l’autre. La musique apparaît comme le reflet de l’âme, mais aussi comme un élément thérapeutique qui pousse ces jeunes à sortir de leur bulle de protection, de sortir la tête de l’eau et reprendre goût à la vie. Une histoire qui réveille l’espoir en chacun de nous et nous donne envie de franchir des montagnes !
Le +
- Malgré la dureté du thème abordé, on ne bascule à aucun moment dans la pitié ou le misérabilisme. Les auteures gardent jusqu’au bout une certaine pudeur face aux blessures profondes des héros.
- Il y a une belle harmonie entre les plumes des 2 auteures : la narration est fluide, on ne sent aucune dissonance en basculant de la voix d’un personnage à l’autre.
- Le personnage de Fred est lumineux et très attachant, on voudrait l’avoir dans notre vie quand ça ne va pas. Sa passion pour le thé et les haïkus lui donne un côté sympathique.
- Le perroquet d’Igor nommé Obama fait des interventions qui apportent un peu de légèreté dans les moments tendus, ce qui permet parfois aux personnages de dédramatiser la situation. Il est parfois très comique. Je-veux-le-même !
Le –
- La volonté de Fred de faire travailler en duo Igor et Rhéa se sent assez rapidement, ce qui casse un peu le suspense.
- Ça m’aurait bien plu que les auteures évoquent plus le plaisir que peut apporter la pratique du piano à travers le dépassement des difficultés techniques et la beauté de la musique jouée (mais c’est une ancienne pianiste qui parle, je ne suis pas objective…).
- Le happy end me paraît un peu forcé, mais il fait du bien quand-même.
Le coin des profs
- Le roman est assez facile à lire et intéressant à proposer à des jeunes qui ont vécu des épreuves difficiles. Le récit n’est en rien moralisateur ou explicatif, mais il montre que l’on peut se sortir de situations très difficiles avec le temps, la persévérance, mais aussi l’espoir.
Mots clés
Deuil, suicide, accident de voiture, piano, isolement, différence, amitié
Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…
Re-play de Jean-Philippe Blondel
Infos pratiques
- À partir de 13 ans
- Magnard Jeunesse
- 302p.
- 14,90€
One thought on “Deux secondes en moins (Marie Colot et Nancy Guilbert)”
Ce livre est très bien. Cependant, il est extrêmement dommage que l’œuvre musicale qui lie l’histoire de nos deux protagonistes soit fausse. Malheureusement, la Fantaisie en La mineur de Schubert n’existe pas. Par contre, une fantaisie en fa mineur pour 4 mains de Schubert existe belle et bien. Il est donc dommage que les auteurs n’aient pas recherché plus en détail l’œuvre qui allait être le lien entre Rhea et Igor… Jusqu’à même inventé la mélodie…
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