A un cheveu (Maëlle Desard)
Résumé de l’éditeur
Un grand bain d’humour et d’empowerment. À 17 ans, Emma aime la natation, son frère presque jumeau, le chocolat et dessiner dans les marges de ses cahiers. Elle serait à un cheveu de la belle vie si elle n’avait pas perdu les siens, de cheveux, deux ans plus tôt (tandis que le reste de ses poils a continué à pousser, merci bien !). Affublée d’une moustache qu’elle épile religieusement et d’une perruque avec laquelle elle entretient une relation d’amour-haine quasi mystique, Emma décide de profiter du déménagement de sa famille pour repartir de zéro. Difficile, pourtant, de faire de nouvelles expériences quand on a un secret à cacher. Personne ne doit l’approcher de trop près, et surtout pas le beau Jacob !
Mon avis
Lorsqu’on lui dit qu’elle est le sosie de son père, Emma, elle, ne voit pas trop de ressemblance, à part peut-être sa calvitie. Souffrant d’alopécie androgénique, elle a vécu son année de seconde au lycée d’Orange comme un véritable enfer : elle a été harcelée, raillée et martyrisée par les autres élèves. Christophe, son frère, a tout fait pour la protéger, ce qui lui a valu une exclusion. Pour faire bloc autour d’elle et commencer une nouvelle vie, toute la famille déménage à Strasbourg.
Emma a décidé de porter une perruque et de cacher sa maladie à ses nouveaux camarades. Elle peut compter sur l’aide de son frère qui, ayant redoublé sa première, est maintenant dans la même classe qu’elle. Mais les choses ne sont pas aussi faciles qu’elle l’envisageait. Déjà, il va falloir renoncer à la natation, alors qu’elle était championne dans sa catégorie précédemment. Ultra complexée, Emma vit dans la hantise qu’on lui arrache sa perruque ou qu’il y ait un accident. Et d’autres situations potentiellement « à risque » vont se présenter, notamment lorsqu’elle va croiser d’anciennes connaissances qui risquent de la trahir. Par ailleurs, comment gérer une relation amoureuse naissante sans se trouver confrontée à un moment donné à un douloureux dilemme : continuer à mentir, ou risquer de faire fuir son crush ? Et ses parents, bienveillants mais parfois un peu maladroits, ne sont pas toujours les meilleurs conseillers. Emma va se faire une nouvelle amie, Anis, une jeune fille assez atypique férue de streaming, mais qui elle aussi cache de douloureux secrets. On passe toute l’année de première en compagnie de cette petite bande et de ses camarades, au rythme de leurs émois et de l’évolution de leurs relations.
« Je sais ce que vous vous dites. Que j’en fais des caisses, que je pourrais plonger dans le bassin à la poursuite du lapin blanc (j’adapte les classiques comme je veux), et m’adonner au sport comme tout le monde. Je pourrais aussi me cacher. Forcer mes parents à me conduire à la piscine la plus éloignée possible, enchaîner les brasses et me dépenser… Et puis quoi ? Moi ce que j’aime, c’est la compétition. […] J’avais fait une croix claire et nette sur la natation et tout ce qui s’y rapporte. Un peu comme ces meufs excessives qui, à chaque régime, bazardent l’équivalent du PIB d’un petit pays en chocolats et biscuits à la poubelle. C’est ce que j’ai fait, avec le sport. Mais voilà que monsieur Schaeffer arrive comme un dealer de chocolat dans une cure contre l’obésité, et m’agite un bonnet plein de talc sous le nez en mode madeleine de Proust. Je me suis fait avoir comme une débutante. »
L’alopécie est un sujet rarement abordé dans la littérature jeunesse et pourtant, comme le souligne Maëlle Desard, cette maladie touche 16 à 20 % des femmes. « À un cheveu » traite avec humour, sensibilité et intelligence de ce sujet et l’on suit le temps d’une année scolaire la jeune Emma qui décide désormais de taire sa maladie. Outre les effets plus ou moins supportables, elle va vite se rendre compte qu’il ne lui sera pas facile de faire face aux situations de la vie quotidienne.
J’ai énormément apprécié cette lecture parce que j’ai trouvé le personnage d’Emma particulièrement touchant, avec ses angoisses, mais aussi sa joie de vivre et ses petites réparties très bien senties. Tout au long du roman, nous la voyons évoluer, de la peur d’arriver dans un nouvel établissement, avec ce secret qui pèse très lourd mais qu’elle veut absolument garder. Ce n’est pas si facile, d’ailleurs, de garder ce genre de secret, au point qu’Emma s’oblige à faire une croix sur ses passions parce qu’elles sont incompatibles avec le port d’une perruque. Et puis, elle est stressée en permanence, parce que la moindre petite chose pourrait révéler ce qu’elle désire cacher par dessus tout. Et elle avance, comme ça, entourée de son grand frère, Christophe, et de ses nouveaux amis.
J’ai également beaucoup aimé Christophe. J’ai aimé leur complicité, la façon dont il la protège quoiqu’il arrive. On rêverait d’avoir un grand frère comme lui. Et puis, derrière l’alopécie et le harcèlement scolaire se cache un autre sujet important et intéressant : le harcèlement en ligne. A travers le personnage d’Anis, sa nouvelle meilleure amie, Emma découvre l’envers du décor du live en streaming. Et enfin, dernière grande thématique que je retiens de cette lecture, on nous parle aussi d’amitié toxique, à travers le personnage de Charlotte, l’ancienne meilleure amie d’Emma. Mais attention, n’allez pas croire qu’avec tous ces sujets sérieux et importants, ce livre est plombant. Parce que ce n’est absolument pas le cas ! Maëlle Desard réussit le tour de force de nous présenter tout ça dans un roman plein de vie et d’humour. J’adore son écriture, c’est léger, frais, et on se marre tout le temps, que ce soit dans la narration ou dans les dialogues. Dès les premières pages, on ne peut qu’être conquis par son style.
« Monsieur Schaeffer nous a installées sur les gradins avec les autres dispensés – beaucoup de filles, sans surprise. Trop pour qu’elles aient réalistement leurs règles en même temps. Mais la piscine, pour une fille en pleine croissance, c’est un sacré cauchemar. Le moindre téton, la moindre vergeture, le moindre poil est passé au crible et servira de munitions aux gens de ton entourage pour toute la fin de ta scolarité. Pendant que l’autre mec se balade avec l’équivalent d’un chat mort entre les cuisses sans que ça ne questionne personne. »
C’est une histoire qui m’a beaucoup touchée d’autant qu’elle est très personnelle pour l’autrice, qui est atteinte d’alopécie. Je l’avais découverte dans la trilogie « Esther Parmentier », où on retrouve son ton humoristique, frais, tendre et décapant. Maëlle Desard a du caractère, ça se sent dans sa plume, mais ce qui est encore plus plaisant dans ce roman-ci, c’est qu’on sent qu’elle a gagné en maturité. Autant elle partait parfois dans tous les sens dans sa trilogie et parsemait son récit de stéréotypes, autant elle est beaucoup plus fine et mûre dans cette histoire-ci. Une autrice à suivre !
Le +
- La galerie de personnages est très attachante, notamment Emma, une adolescente courageuse, pétillante et drôle, à l’image de ce roman, empreint de tendresse et de fraîcheur.
- La relation avec son frère est très touchante aussi.
- Aborder le thème du cyber-harcèlement et de l’amitié toxique en filigrane me paraît important.
Le –
Parfois, je trouvais peu crédible qu’Emma fasse toujours de l’humour. Elle aurait pu être découragée dans les moments plus difficiles.
Le coin des profs
Le roman est une très belle porte d’entrée pour aborder le thème de la différence avec une histoire drôle.
Niveau de lecture
Débutant
Genre
Drame
Mots clés
Amitié, complexe physique, différence, féminisme, harcèlement, norme, tolérance , parents démissionnaires, secret
Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…
Deux secondes en moi, Marie Colot et Nancy Guilbert (pour la différence)
Dysfonctionnelle, Axl Cendres (pour l’humour)
Infos pratiques
- À partir de 13 ans
- Slalom
- 256p.
- 14,95€