Balto. Le dernier des valets de cœur (Jean-Michel Payet)
Résumé de l’éditeur
Qui a tué Timoléon Escartefigue, modeste réparateur de vélos du boulevard des Batignolles à Paris ? Que s’est-il passé sur le front, en pleine guerre de 14, dans les décombres d’une maison en ruine ? Qu’est devenu Victor, le condamné à mort qui a disparu avant son exécution ? Quel secret cache Émilienne Robinson, jeune journaliste fraîchement engagée au journal L’Excelsior ? Et pourquoi, dans ce Paris de 1920, alors que la guerre est terminée, d’anciens poilus sont-ils assassinés les uns après les autres ? Et par qui ? Balto, qui vit dans la Zone, cette bande de misère entourant la capitale, va devoir enquêter afin de prouver l’innocence de son frère Victor. Pour cela, il lui faudra découvrir qui est le dernier des Valets-de-Cœur… avant qu’il ne soit trop tard.
Mon avis
Nous sommes à Paris, en décembre 1920. Balto, 14 ans, vit dans la Zone (une bande de misère entourant la capitale) près de la roulotte de Madame Gambette, ancienne gloire du Moulin Rouge tombée dans la pauvreté, qui a pris Balto sous son aile depuis qu’il a été abandonné tout bébé. Elle l’a élevé avec son fils Victor, parti à la guerre en 1914. Promulgué héros en 1916 et devenu caporal, il est ensuite condamné à mort pour avoir giflé son supérieur.
Juste avant le peloton d’exécution, Victor parvient à s’échapper et s’évapore dans la nature. Balto et Madame Gambette ont parfois de ses nouvelles et un matin, Balto découvre caché dans un gros pain de campagne déposé devant sa roulotte un billet de Victor qui l’invite à le retrouver rue des Batignolles à minuit pile.
À l’heure du rendez-vous, au lieu de rencontrer Victor, Balto trouve un mort et une journaliste, Émilienne, qui prend Balto pour le meurtrier et lui tire le portrait. L’adolescent parvient à s’enfuir mais son visage fait la une de l’Excelsior. Qui a tué Timoléon Escartefigue, modeste réparateur de vélos du boulevard des Batignolles à Paris ? Le mystère s’épaissit quand d’autres anciens poilus, tous appartenant à un groupe appelé « les Valets de Cœur » sont assassinés les uns après les autres, alors que la guerre est terminée…
Balto décide d’enquêter afin de prouver son innocence et celle de Victor, qu’il considère comme son frère. Il lui faut donc découvrir qui est le dernier des Valets de Cœur avant qu’il ne soit trop tard. Pour ce faire, il décide de s’associer avec Émilienne…
« – Il n’est pas mal, ton baratin, elle me dit enfin, mais en définitive, tu ne sais rien. Que pouic. Admettons que je veuille bien essayer de te croire, tu m’apportes quoi ? Pas besoin d’un zonard pour enquêter sur le père Escartefigues.
– Sauf que le mot de Victor m’incite à penser qu’il est impliqué d’une façon ou d’une autre là-dedans, et Victor, personne ne le connaît comme moi.
– Un point pour toi.
– Et si je suis impliqué dans cette histoire, peut-être y a-t-il des ramifications dans la Zone, or pour enquêter sur mon territoire, suffit pas d’être mignonne et d’avoir le culot en bandoulière. Il faut un guide pour montrer patte blanche et délier les langues.
Elle grimace une charmante moue sans me quitter des yeux, pesant les termes de ma proposition.
– En gros, tu me proposes une association, garçon ?
Je n’aime pas qu’elle m’appelle garçon. Ça fait mioche, mais là, en pleine négociation, ce n’est pas le moment de faire la fine bouche. Les cartes, c’est elle qui les a en main.
– C’est ça, je dis.
– Avec un zonard recherché par la police.
– On a rien sans rien.
– T’as quel âge ?
Je fronce les sourcils. Généralement sa question me déplaît. Pas question de lui avouer mes quatorze berges.
– Seize.
– Faut voir, elle dit. (…)
– Le double V m’incite à penser que tu n’es peut-être pas l’assassin et donc que je pourrais envisager de travailler avec toi.
– Une association ?
– Disons ça comme ça. Je fouille du côté de Timoléon Escartefigues et toi de ton frère, et nous mettons tout en commun. Et bien sûr, tu m’assures l’exclusivité absolue de ce que tu découvres. Mais à deux conditions.
– Lesquelles ?
– Primo, pas de baratin. Tu me dis tout clairement et c’est réciproque.
– D’ac. Et secundo ?
– Tu me tutoies.
– Si vous voulez. »
Jean-Michel Payet nous plonge ici dans un roman historico-policier pour adolescents qui nous entraîne dans une histoire mêlant aventures, enquête, meurtres, secrets et chasse au trésor dans le Paris de l’après-première guerre mondiale.
Comme toujours, l’auteur s’est très bien documenté et nous propose un récit pour les quatorze ans et plus qui sait également séduire les adultes et où Balto est le narrateur. Gamin de la Zone, il est resté peu de temps sur les bancs de l’école, fabrique des paniers mais se rend coupable aussi de quelques rapines pour améliorer le quotidien.
Pour coller au plus près de la réalité, Jean-Michel Payet a fait le choix de l’argot, un très bon choix qui rend le récit très vivant d’autant qu’il est entrecoupé de nombreux dialogues, de beaucoup de péripéties, de révélations en cascades et de suspense.
Je ne suis pas friande de romans policiers, mais il m’a été impossible de m’ennuyer avec Balto et son style haut en couleurs. Par ailleurs, l’intrigue est très bien construite et m’a captivée dès les premières pages. Le contexte historique est aussi très bien développé par l’auteur : il aborde les thèmes de l’émancipation féminine, la dureté des combats dans les tranchées, les condamnations à mort, le dur retour à la vie civile des poilus, les gueules cassées… Tout y est ! Ajoutez une bonne trame policière avec du suspense, de l’humour et de l’émotion, vous obtenez un roman de qualité pour les ados et pour les adultes ! Les personnages sont intéressants et bien dessinés, j’ai aimé les suivre et les découvrir au fil de ma lecture.
« Garçon, ce pain tout doré, c’est pour mon anniversaire, intervient Madame Gambette qui a encore gardé suffisamment de neurones pour oublier d’être bête. Nous, les pauvres, nous n’avons pas les moyens de nous offrir de la brioche, et les gâteaux, je n’en parle même pas. Alors ce pain, tu vois, c’est mon jour de fête, ma minute gastronomique. Balto peut me l’offrir parce qu’il a trimé à la boulange, alors pas question que tu y mettes tes pattes, vu ? »
Le +
- La couverture est très belle, avec ses dorures et l’atmosphère mystérieuses qui s’en dégage.
- J’ai beaucoup aimé me plonger dans la période des années folles, avec notamment le combat d’Émilienne pour être indépendante et refuser un mariage forcé.
- L’association entre Balto, le gamin des rues, et Émilienne, la bourgeoise désargentée, est improbable, mais fonctionne. Tous les deux culottés, ils nous donnent à lire des dialogues francs bien savoureux.
Le –
La fin m’a paru un peu trop expéditive, elle est traitée au pas de charge.
Le coin des profs
Le récit a la particularité d’avoir un style très travaillé notamment en ce qui concerne l’argot, donc il est à proposer aux lecteurs initiés. Il est intéressant pour exploiter la période qui suit la 1ère guerre mondiale, la pauvreté, la condition des femmes…
Niveau de lecture
Intermédiaire
Genre
Récit historico-policier
Mots clés
Enquête, débrouillardise, famille, meurtres, pauvreté, poilus, première guerre mondiale, traumatisme
Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…
Le mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux
Infos pratiques
- À partir de 15 ans
- L’école des loisirs
- 315p.
- 15,50€