Bretzel break (Maëlle Desard)

Bretzel break (Maëlle Desard)

Résumé de l’éditeur

« Je n’ose même pas jeter un regard vers le miroir. Inutile, je peux te décrire si tu le souhaites : tu ressembles au bonhomme Michelin. » Elle, c’est Victoire, 17 ans, et la petite voix dans sa tête, c’est Défaite, toujours là pour critiquer, rabaisser, faire perdre confiance dans les moments difficiles. À tel point que Victoire ne peut se regarder qu’à travers l’écran de son portable. Elle est plutôt populaire… sur les réseaux sociaux, et elle n’a pas sa langue dans sa poche… quand il s’agit de mentir. Écrasée par le poids du masque qu’elle porte depuis des années, elle perd pied. Ses parents l’envoient alors faire les vendanges, affronter la réalité, la vraie ! Entre les insectes, le soleil, le rythme intense et les douleurs persistantes, Victoire doute d’avoir une révélation. Pourtant, elle ouvre les yeux sur ceux qui l’entourent : le gang des grabataires, la bande des conscrits et Gaëtan… Se pourrait-il qu’elle ne soit pas la seule à souffrir ? L’amour est-il envisageable lorsqu’on a tant de mal à s’aimer soi-même ?

Mon avis

Victoire ne s’aimait déjà pas beaucoup, mais les grandes vacances n’ont pas amélioré son estime de soi : elle a grandi, ses seins ont grossi (beaucoup) et son nez s’est allongé. Autant dire qu’elle se trouve aussi moche que possible et qu’elle ne sait plus ni comment s’habiller ni comment affronter le regard des autres. Alors à la rentrée, elle écoute la petite voix qui trotte dans sa tête – et qu’elle a surnommée Défaite – et décide de sécher les cours.

Quand l’administration contacte ses parents, ils tombent des nues. Victoire est pourtant une bonne élève, mais depuis que son père s’est fait amputer d’une jambe, ses parents ont moins de temps pour s’occuper d’elle, ils n’avaient pas perçu son mal-être. Ils lui proposent alors un deal : elle n’est pas punie, mais elle doit aller faire les vendanges dans l’exploitation d’un ami de ses parents. Tous les week-ends, ainsi que le matin avant d’aller au cours, elle ira travailler pour voir du monde et réaliser l’importance du travail.

« Il faut dire que depuis qu’il [le père de Victoire] s’est fait renverser par une ambulance au travail et qu’on a dû lui amputer la jambe (véridique), je suis passée de la fille unique et chérie à un truc vaguement agaçant qui beugle parfois et coûte diablement cher, selon les dires de ma grand-mère (que personne ne s’inquiète : elle ne fait plus partie du paysage ; en outre, à part son nez insolent et une mauvaise humeur permanente, elle ne m’a pas laissé grand-chose en héritage).

Mon second postulat a été validé par une expérience tout ce qu’il y a de plus scientifique : plus mon comportement dépasse les bornes, moins mes parents se sentent impliqués. Je suis restée enfermée dans ma chambre des jours entiers pendant la pause estivale sans croiser personne, à me nourrir de BN et de Petit Lu, et tout ce que j’ai récolté en récompense, c’est un mail de ma mère mi-amusé, mi-effaré, me demandant si elle devait intervenir et appeler les pompiers. Mais cela n’a pas suffi pour qu’elle prenne vraiment la peine de venir me parler et cherche à comprendre ce qui m’arrivait.

L’ « adolescence ». L’excuse à tous mes maux, si je dois en croire le psy – docteur Pereira – chez qui mes parents ont quand même décidé de m’envoyer dans un sursaut de honte, en réalisant que je ne m’étais pas douchée depuis 3 jours et que le dernier légume qui avait croisé ma route avait sans doute été cueilli l’année précédente. »

Pendant cet été, Victoire s’est inscrite sur les réseaux sociaux et publie régulièrement des vidéos. Elle espère ainsi gagner des followers et devenir populaire. Pour cela, elle se filme mais utilise des filtres afin de changer son apparence. Pourtant, aux vendanges elle devra laisser son téléphone à ses parents et subir les courbatures, les conséquences de la pluie et du soleil qui tape.

« Je suis de mauvaise humeur.

De méga, super-mauvaise humeur.

Déjà, parce que j’ai une migraine d’enfer : je crois que j’ai fait une petite insolation aujourd’hui, ce qui tend à confirmer mon visage rouge tomate qui n’a pas supporté l’exposition prolongée au soleil.

Ensuite, mon dos me fait souffrir le martyre et je ne peux pas bouger un orteil sans qu’un nerf dont j’ignore l’existence me lance de la fesse jusqu’au pouce.

Là-dessus, je pue carrément le bouc, et les blagues vaseuses de ma mère sur tout le trajet du retour ont fini de me foutre en rogne. Heureusement, elle m’a juste déposée à la maison et est repartie aussi sec en ville voir ses copines. Je ne suis pas certaine que j’aurais supporté de passer la soirée avec elle après ça.

Enfin, pompon sur le gâteau ! Il semblerait que Fanny me fasse la gueule.

Elle n’a pas répondu à mon message de ce matin, et m’a laissée en « vu ». »


 On s’en doute, les vendanges ne vont pas se passer comme elle l’imaginait. Elle va rencontrer le gang des grabataires, pour commencer, qui vont lui expliquer comment se passent les vendanges, et puis les « conscrits », un groupe de jeunes qui redoublent leur terminale et qui font les vendanges tous les ans. Victoire va peu à peu s’ouvrir au monde, commencer à voir qu’elle n’est pas aussi moche qu’elle le pensait, se faire des amis et même plus… Elle va découvrir qu’un drame s’est passé l’année précédente dans l’exploitation et que tout le monde est traumatisé et réagit différemment pour survivre. Par la force des choses, Victoire va se rapprocher de Gaëtan, qui n’est pourtant pas vraiment sympathique avec elle. Il est hanté par un drame qu’elle ne découvrira pas tout de suite.

J’ai beaucoup aimé ce roman qui se lit avec fluidité. C’est la première fois que je lis un roman pour ado qui évoque les vendanges et la vie autour du vignoble. À la base, ce n’était pas un thème qui m’attirait, mais j’ai finalement bien aimé découvrir les particularités de cet événement.

J’ai bien aimé la relation entre Gaëtan et Victoire, et la réflexion de Victoire qui, grâce à son père, prend conscience que les filles sont souvent dans le care pour aider les garçons à aller mieux. Contrairement à ce que dit la 4e de couverture, je trouve que l’aspect des réseaux sociaux n’est pas vraiment mis en avant dans ce roman. Bien sûr, il est question de la popularité que Victoire cherche à acquérir, mais c’est au début et c’est assez vite laissé de côté.

« Bretzel Break » pourrait être considéré comme un récit d’initiation parcouru d’une jolie romance qui, au-delà de la relation amoureuse, parle de l’amour de soi et de la dysmorphophobie. Il évoque également l’adolescence, quand tous les jeunes semblent aimer s’amuser, boire, faire la fête, et montre que parfois une consommation abusive d’alcool, même si elle est tolérée socialement, cache un mal-être profond. La question du deuil est aussi au centre du récit, à la fois le deuil d’une personne morte, mais aussi le deuil de l’enfance, le passage à davantage de responsabilités.

Dans ce récit, on retrouve la plume incisive et drôle de l’autrice et son sujet de prédilection, la construction de l’estime de soi lorsqu’on n’est pas dans la norme. Lorsque les parents de Victoire l’inscrivent aux vendanges, ils ne prennent pas seulement le temps d’écouter et d’accompagner leur fille qui se débat dans un mal-être profond, ils provoquent avec elle un moment qui va être fondateur dans sa vie. Le travail physique des vendanges, la rencontre avec un nouveau groupe qui a vécu des événements dramatiques et peine à retourner vers la vie, la prise de risque pour soi et des autres, en quelques semaines, Victoire va expérimenter ces situations nouvelles et prendre des décisions importantes dont elle apprendra à gérer les répercussions.

« – Fais attention, m’interpelle alors une voix dans mon dos.

Je me retourne, surprise de me retrouver face à Fanny.

  • Attention à quoi ? je demande.
  • Faut pas tenir la corde comme ça. Si ton pote tombe, tu vas t’arracher la peau.
  • Faut faire comment, dans ce cas ? la questionne Gaëtan.
  • Faut que Vi mette son harnais, et après tu fais passer la corde ici, montre-t-elle en désignant son propre attirail. Puis dans le dos. C’est plus stable. Et comme ton partenaire est plus lourd que toi, s’il tombe, il sera mieux assuré.

Je jette un regard suspicieux à Gaëtan ; ouais, donc s’il se ramasse, je vais carrément lui servir de contrepoids et aller m’écraser le nez contre le mur de grimpe.

Fait chier.

Fait chier, parce que je n’avais pas prévu de me coincer le cul et les cuisses dans cette espère d’attirail sado-maso qui ne s’assume pas. C’est typiquement le genre d’accessoire qui va complètement à l’encontre du précepte que j’essaie désespérément de suivre depuis des mois.

Aucune forme ne doit transparaître. Sous aucun prétexte.

J’observe les sangles et les scratchs, une boule dans la gorge. […]

Je regarde Gaëtan qui me fait des yeux de chiot pour me faire céder.

Et merde. »

Ce roman est avant tout un roman sur la reconstruction. Il montre comment les crises peuvent être des moments de clarification, comment le dialogue, même ébauché, difficile, incisif, aide à ne pas sombrer. Il met en scène des personnages acculés, à bout de souffrance, qui vont devoir trouver le courage de s’exprimer et de faire à nouveau confiance en eux, en la vie en l’autre. Les dialogues avec les parents semblent parfois un peu artificiels, la voix intérieure est très brutale, mais le récit est à la hauteur du sujet, et l’art des punchlines qui a fait le succès de la série Esther Parmentier, sorcière stagiaire, est toujours bien présent. A lire pour passer un bon moment de lecture !

« Ce n’est pas illégal d’être moche. Et heureusement. Sinon mes parents auraient dû m’enfermer dans la cave à double tour et me nourrir au travers des lattes du plancher pour cacher ma présence aux agents du gouvernement, qui viendraient dans les chaumières pour s’assurer que tous les citoyens sont beaux, sentent bon, et ont les yeux bien alignés. Non. Ce n’est pas illégal. Ou tout du moins, pas de manière officielle. Parce que si le « pretty privilege » n’est plus à prouver, il en va de même pour le déclassement social de celles et ceux qui n’ont pas la chance d’être nés avec un filtre par défaut sur la face. »

Le +

  • L’autrice est devenue une valeur sûre pour nous donner à lire des romans drôles et émouvants.
  • J’ai aimé les thèmes universels du roman : se sentir moche, même si on ne l’est pas forcément, et l’alcoolisme comme symptôme de mal-être chez les jeunes.

Le –

  • La couverture chargée de bretzels m’a un peu rebutée (l’autrice est alsacienne).
  • Le début de la relation entre Victoire et Gaëtan m’a paru peu crédible tellement son comportement à lui était détestable.

Le coin des profs

Le récit est une bonne porte d’entrée pour aborder l’estime de soi chez les adolescents.

Niveau de lecture

Intermédiaire

Genre

Drame

Mots clés

Acceptation de soi, alcoolisme, amitié, amour, construction de l’identité, deuil, dysmorphophobie, estime de soi, handicap, résilience

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

A un cheveu, Maëlle Desard

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Slalom
  • 222p.
  • 14,50€
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