De l’autre côté du pont (Padma Venkatraman)
Résumé de l’éditeur
Chaque jour est un combat dans les rues bondées de Chennai, en Inde. Et lorsque Viji et sa soeur, Rukku, fuguent pour ne plus subir la violence de leur père, la situation semble sans espoir. Dans un monde impitoyable et dangereux, où nul n’accorde un regard aux parias, elles sont des plus vulnérables. Mais leur rencontre avec deux jeunes sans abri, sur un pont en ruine, va peut-être tout changer.
Mon avis
L’autrice a décidé de rendre hommage aux jeunes Indiens qu’elle a rencontrés lorsqu’ils vivaient dans la rue. Elle a intégré dans son roman des histoires observées et ces témoignages d’enfants ont donné naissance à l’histoire de Viji et Rukku. Viji a onze ans lorsqu’elle fuit son foyer avec sa sœur Rukku pour échapper à leur père violent. Rukku est plus âgée, mais elle est visiblement atteinte d’un retard mental et se laisse frapper par son père violent. C’est pour protéger sa sœur que Viji décide de fuir de leur maison. Elle doit donc s’occuper de Rukku et la protéger car elle n’est pas autonome et ne voit pas la malveillance des gens qui l’approchent, mais Rukku est tout pour sa sœur et leur lien leur donne indéniablement la force d’affronter la fuite.
« À cet instant précis, les yeux rivés sur le menton tremblotant d’Amma, j’ai remarqué combien on était différentes. Elle croyait dur comme fer qu’une vie meilleure l’attendrait après la mort, si elle endurait la situation actuelle. C’était idiot. Pour quelle raison un dieu se soucierait-il des réincarnations qu’il a fait souffrir par le passé ?
Non, si je désirais changer notre destin, je devais agir. Maintenant.
Plus je prenais conscience de nos différences, plus j’étais convaincue que je te protégerais mieux qu’elle. Elle n’avait rien fait lorsque Appa nous frappait. Rien, mis à part implorer sa pitié. Je me suis promis de ne jamais devenir comme elle. De ne jamais supplier qui que ce soit, peu importe la situation. »
Elles sont seules, sans argent, vulnérables et vont se chercher un abri par hasard. Là où elles décident de se poser, deux jeunes garçons vivent déjà sous une tente de fortune : Muthu et Arul. D’abord méfiants, ils vont apprendre à s’épauler pour gagner de l’argent en fouillant les poubelles et créer leur propre famille.
De l’autre côté du pont est un roman très touchant et les personnages sont assez attachants. Le quotidien de ces enfants est rude et révoltant. Malgré tout, ils gardent espoir et ont un sacré moral. Ce roman est une bonne manière de découvrir une autre culture et le quotidien de ces enfants laissés pour compte, qui doivent apprendre à se débrouiller seuls. Leur hygiène de vie est déplorable, leurs habitations faites de choses trouvées ou achetées avec le peu d’argent gagné.
Ce roman montre les inégalités sociales en Inde, notamment à travers la hiérarchie des castes, avec des personnes très riches qui habitent dans de luxueuses maisons et d’autres très pauvres qui vivent dans le dénuement le plus complet. J’ai été très émue par la vie de ces sœurs parties de chez elles à cause de leur père violent dans l’espoir d’une vie plus digne.
La fin du récit est très touchante, très triste et très juste. J’ai bien envie de retaper le dernier paragraphe, qui est magnifique, mais je ne vous en livre qu’un extrait pour ne rien spoiler. Préparez vos mouchoirs !
« En t’écrivant ces lignes, Rukku, je remonte le temps.
Je sens tomber la pluie sur notre dos tandis que tu t’énerves à secourir des vers de terre, accroupie au beau milieu de la route.
Je t’entends fredonner dans l’oreille de Kutti, tes bras refermés autour de lui en une étreinte rassurante, alors qu’explose un feu d’artifices le soir de la fête des Lumières.
Je te revois, le visage illuminé d’un sourire fier, tendre au vendeur de ballons l’argent que tu as toi-même gagné sur la plage.
Je revois ta langue se caler entre tes lèvres chaque fois que tu t’appliques à terminer un collier de perles.
Je me souviens du bout de tes doigts caressant l’orange que nous avait jetée le jardinier.
Je te vois lancer ta poupée adorée sur le chauffeur de bus afin de me protéger.
Et rire à t’en tenir le ventre avec Muthu, sur notre pont. […]
En couchant ces mots sur le papier, aujourd’hui, je me rends compte à quel point la réalité m’a échappé.
Durant tout ce temps, j’ai cru être celle qui veillait sur toi, mais je découvre désormais que c’était aussi souvent l’inverse.
Tu m’as donné la force de continuer.
En refusant chacun de mes mensonges.
En attirant mon regard sur de petits miracles.
En riant chaque fois que la situation ne s’y prêtait pas.
Ensemble, on formait une si belle équipe. »
Le +
- La rencontre entre les 4 compères donne à lire une belle amitié naissante entre des enfants blessés par la vie qui apprennent à s’apprivoiser, se faire confiance et s’entraider.
- Les 4 amis sont accompagnés d’un chien errant, lui aussi à la recherche d’une vie meilleure, peu importe s’il mange peu tant qu’il est aimé. J’ai aimé cette rencontre aussi.
Le –
J’ai tremblé durant tout le récit pour les enfants, qui sont de véritables oiseaux pour la proie. L’autrice a pris le parti de mettre sur leur chemin des arnaqueurs, mais pas des pervers. Ok, mais ce n’est pas tout à fait la vraie vie…
Le coin des profs
Le roman est une belle porte d’entrée pour aborder la précarité, le système des castes, les inégalités sociales, le handicap mental et la vie en Inde.
Niveau de lecture
Débutant
Genre
Récit réaliste
Mots clés
Castes, croyances, différence, faim, force, dignité, handicap mental, Inde, inégalités sociales, maladie, manque d’hygiène, mort, pauvreté, précarité, violence parentale
Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…
Intouchable : une famille de parias dans l’Inde, Narendra Jadhav
Infos pratiques
- À partir de 13 ans
- L’école des loisirs
- 236p.
- 15,50€