Deux fleurs en hiver (Delphine Pessin)
Résumé de l’éditeur
L’une, Capucine, a décidé d’effectuer son stage dans un Ehpad. Elle change de couleur de perruque en fonction de son humeur et au fil des découvertes du métier d’aide-soignante. Violette, quant à elle, est une nouvelle résidente déboussolée qui vient d’arriver à l’Ehpad. Émue par le désarroi de Violette, Capucine fait des pieds et des mains pour lui redonner le sourire. Leur rencontre va dynamiter la vie plan-plan de la maison de retraite et bousculer leurs cœurs en hibernation !
Mon avis
Capucine, désorientée après avoir vécu un drame familial, effectue, dans le cadre de sa classe de terminale un stage de deux mois au « Bel Air », un EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes). Ayant fait le choix d’études dans la relation d’aide aux personnes menant à des carrières difficiles et mal considérées, Capucine découvre un univers médical sous pression, qui tente tant bien que mal de subvenir aux besoins des « vieux », comme elle les appelle. Émue par toutes les personnalités croisées, elle fait preuve de beaucoup de détermination et d’humanité et ne tarde pas à travailler autant que les autres, voire à remplacer les absents en burn out. Le livre nous montre en effet la dure réalité du travail en maison de repos : l’obligation de faire toujours plus vite, l’impossibilité d’avoir une longue conversation avec les personnes dont on doit prendre soin, les cadences infernales, l’épuisement, y compris pour les plus jeunes.
« Cinquième jour à ce rythme de dingue, je n’en peux plus. Une aide-soignante malade est revenue, mais une autre est partie en congés. J’ai l’impression d’être Flash Gordon en mission, sauf que je n’ai rien d’une super-héroïne. Je cours à cent à l’heure après le temps qui se barre et, tous les soirs, je m’écrase comme une crêpe dans mon lit. Chaque matin, il faut recommencer comme si de rien n’était Désormais, je participe entièrement aux tâches des titulaires.
– C’est le métier qui rentre ! m’a lâché Patricia alors que je m’écroulais sur le banc des vestiaires pour masser mes pieds en compote. »
Le premier jour du stage de Capucine est aussi le premier jour de Violette, une nouvelle résidente qui entre à contre-cœur dans l’établissement, sous la pression de son fils. En effet, très inquiet pour la santé de sa mère en raison d’une succession de chutes qui auraient pu lui être fatales et trop absorbé par son travail pour l’aider au quotidien, Antoine a tout fait pour convaincre sa mère de la nécessité d’abandonner sa maison, son chat Crampon et son jardin.
« Aujourd’hui, c’est un fait. Je suis presque impotente, je n’ai plus de maison, et je suis venue pour terminer mon chemin dans cet endroit aseptisé. C’est d’une banalité à pleurer. Ma vie s’est rétrécie à une chambre exiguë, et les autres, ils me font peur parce que j’ai peur de leur ressembler. »
Vous vous en doutez, une amitié va naître entre ces deux « fleurs » aux personnalités bien tranchées…
Suite à un accident de voiture, Capucine est une jeune fille qui a perdu sa maman. Cela fait deux ans qu’elle traîne sa peine, elle a le cœur lourd et met chaque jour une perruque de couleur différente au gré de ses humeurs pour cacher une cicatrice due à l’accident. De son côté, Violette est une vieille dame ronchonne, qui freine des 4 fers pour tisser des relations avec les autres résidents, comme si cette acclimatation allait signer son arrêt de mort. Avec sa spontanéité et son cœur au bord des lèvres, Capucine va toucher Violette, qui ne sera pas effrayée par les défenses de la jeune fille et qui sera intriguée par le secret qu’elle cache. De son côté, Capucine voit clair dans les réticences de Violette, elle ne force rien et elle arrive à tisser un lien fort avec elle en partant à la recherche d’un Crampon qui s’est fait la malle.
Deux fleurs en hiver est un roman très touchant sur la relation qui se tisse entre 2 personnes blessées de 2 générations différentes, ce qui n’empêche pas la bienveillance dans le lien, malgré les vécus différents. L’histoire est aussi percutante car elle nous donne à lire l’engagement et le dévouement d’un personnel en sous-effectif chronique menacé d’épuisement dans les maisons de repos.
« – On attend du renfort. Un stagiaire de l’Ifas, j’espère qu’il va vite trouver ses marques. De toute manière, pas moyen d’avoir du personnel supplémentaire. Alors, si tout le monde s’y met, on devrait pouvoir s’en sortir.
Je l’ai suivie jusqu’au premier étage pour distribuer les petits-déjeuners. Ensuite, j’ai surveillé la toilette de six résidents, pas plus de quinze minutes chacun. Les douches ont été reportées de quelques jours.
– J’espère que les filles seront là d’ici à ce week-end, m’a confié Lili. Sinon, il faudra laver en priorité les patients qui ont de la visite.
Je suis restée sans voix. Je n’en revenais pas qu’elle dise un truc pareil. Quoi, on n’allait doucher que les vieux en vitrine ? Les autres, ceux qui seraient planqués dans leur chambre, ils n’avaient qu’à sentir le moisi et puis c’est tout ?
Alors que la matinée avançait et que je cavalais tout du long, j’ai compris qu’elle essayait juste de m’apprendre.
C’était ça, la réalité du terrain.
Il fallait parfois composer avec ce qu’on avait. C’est-à-dire moins de personnel, et toujours autant de travail. »
Le +
- Le sujet est très bien traité, l’écriture est fluide et l’humour est toujours au rendez-vous. Un bel équilibre !
- L’arrivée de Capucine dans cet Ehpad et sa rencontre avec Violette vont leur faire énormément de bien à toutes les deux et nous avons là un très joli roman, empli de sensibilité. J’ai aimé l’histoire de ces deux fleurs, leurs fêlures, leurs secrets… L’évolution de leur relation, ce qu’elle leur apporte à toutes les deux.
- L’autrice montre bien les difficultés du métier d’aide-soignante, sans en faire trop. Elle explique bien le temps limité des aides-soignants pour s’occuper des résidents, le manque d’effectif, le ras le bol du personnel comme des résidents. C’est une peinture proche de la réalité et de ce qui se déroule dans les maisons de repos.
Le –
Cette histoire est pleine de bons sentiments où tout le monde est bienveillant. On pourrait dire que c’est un peu gnangnan, mais cela ne m’a pas dérangée, que du contraire : c’est un roman qui fait du bien.
Le coin des profs
Le récit ne présente pas de difficulté de lecture et offre une belle porte d’entrée pour aborder les liens transgénérationnels et la problématique du personnel soignant épuisé en maisons de repos.
Niveau de lecture
Débutant
Genre
Récit réaliste
Mots clés
Accident, amitié, EHPAD, épuisement, famille, lien, personnel soignant, relation d’aide, secret, stage, transgénérationnel, vieillesse
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Âge tendre, Clémentine Beauvais
Infos pratiques
- À partir de 13 ans
- Didier jeunesse
- 188p.
- 15,90€